Qu'est-ce que tu me veux ? [PV Tara ]

Tara se réveilla doucement ce matin, un sourire sur les lèvres, le regard s’accrochant au plafond. Il n’y avait pas eu de cauchemars pour la rendre folle ce soir, elle avait enfin pu profiter d’une bonne nuit de sommeil. S’étirant comme un chat dans un soupir d’aise, elle quitta les draps pour rejoindre la salle de bain. L’eau tiède lui fit le plus grand bien et détendit le moindre de ses muscles, lui donnant l’idée qu’elle allait passer une très bonne journée. Sa tante n’était pas là pour lui faire un interrogatoire à rallonge, elle était libre.

Rejoignant sa chambre, dans son peignoir de soie rouge, elle se pencha sur son bureau, ouvrant son grimoire, soudainement curieuse en voyant la date qu’affichait sa montre. Voilà déjà plus d’un mois qu’elle n’avait pas fait le tour des omégas qui rôdaient en ville. Ses iris émeraude se posèrent sur chaque nom, attrapant un crayon de bois pour rayer les noms de ceux qui étaient devenus Bêtas. La pointe grise s’arrêta sur un nom où s’enchaînaient différents points d’interrogation. Rhéa. Oui. Elle s’en souvenait. Une louve qui avait soudainement disparue sans laisser de place. Elle l’avait longuement surveillé et suivi après l’ouverture de son garage.

Tara se redressa, c’était l’heure de vérifier si cette Rhéa avait bel et bien disparu de la surface de la Terre. S’habillant d’un long t-shirt blanc, d’un pantalon noir slim et d’un long manteau noir qui lui arrivait aux genoux et qui la rendait plus qu’élégante, elle s’apprêta à sortir. S’attachant deux mèches de cheveux à l’arrière de son crâne en un petit chignon vite fait, elle enfila son chapeau aux longs bords noir.  Mettant son téléphone, ses clés de maison et son grimoire dans son sac à main en cuir corbeau, elle quitta sa chambre, rejoignant l’extérieur. Lançant un regard hésitant vers sa voiture, elle finit par hocher négativement la tête et préféra y aller à pieds, ce n’était pas si loin de chez elle après tout. Ses chaussures plates claquant sur le macadam, elle fit le point sur tout ce qu’elle savait des omégas en ville. Elle n’avait pas demandé de nouvelles à son informateur, grosse erreur de sa part.

Après de longues minutes, elle fut à quelques mètres du garage dont l’enseigne commençait à se faire vieille. Aucun signe de vie en tout cas. Tara eut une moue ennuyée, remettant son sac sur son épaule, elle s’apprêtait à faire demi-tour quand une silhouette traversa la rue, attirant son attention. Elle s’arrêta et se fit la plus discrète possible, ce qui était assez compliqué avec sa dégaine de mannequin. Un homme tenta d’ouvrir la porte du garage, la rendant méfiante. Il semblait profondément agacé.

Tara décida de s’approcher, silencieusement, se stoppant à un bon mètre de l’inconnu, presque bouche bée en le voyant de si près. Il n’était pas moche à regarder. Mais elle reprit rapidement son sérieux et se redressa, se raclant la gorge. « Rhea n’est plus là depuis quelques mois déjà, désolée pour vous. Le garage le plus proche est à une dizaine de kilomètres au nord de la ville. » Son ton était détaché et elle ne put s’empêcher de rajouter. « A moins que vous ne veniez la voir personnellement. »

Il s’approchait sans prononcer le moindre mot, de quoi lui donner la chair de poule mais Tara ne se laisserait pas avoir si facilement. Depuis l’étrange rencontre qu’elle avait eu dans le bar, il était difficile de l’effrayer d’un claquement de doigts. Et puis à quoi bon avoir peur ? Un sourire, moqueur certes, étirait ses lèvres et il avait ri quelques minutes plus tôt, s’il lui voulait du mal, il serait directement passé à l’action. Tara plongea ses mains dans ses poches, le laissant la rejoindre, sans broncher, sentant seulement ses joues devenir légèrement roses. C’est qu’il avait son charme l’inconnu.

Ainsi donc, il était venu pour voir personnellement la garagiste disparue, dommage pour lui, était-il un proche ? Sûrement. Durant tout le temps qu’elle avait passé à l’observer, elle n’avait jamais vu une quelque conque personne appartenant à sa famille lui rendre visite. Il y avait bien eu ce policier et son professeur de littérature anglaise mais sans plus. Tara préférait ignorer la raison de leur présence dans l’appartement de la louve. Une petite partie de cartes, tout ce qu’il y avait de plus innocent.

La brune ne quittait pas l’inconnu des yeux, y descellant quelque chose d’animal, faisant battre son cœur plus vite alors que son instinct de Druide se mit à agir à toute vitesse. Se concentrant comme elle le pouvait, elle sentit son tatouage la démanger dans son dos. Se pourrait-il qu’il soit… ? Il fallait qu’elle creuse un peu plus et non se lancer sur des pentes infranchissables. Il lui fallait une preuve de ce qu’elle avançait. « Mis à part le fait qu’elle ait réparé mon 4x4 plusieurs fois ? Hm, je la croisais dans les bois ou nous bavardions un peu quand elle avait fini son boulot. »

Ce qui, dans un sens, était vrai puisque Tara avait eu tendance à lui poser de nombreuses questions pendant qu’elle réparait sa voiture, allant jusqu’à l’exaspérer parfois mais c’était pour son bien, pour la protéger. Hélas, cela n’avait pas semblé suffire puisqu’elle avait brusquement disparu sans laisser de trace. « Vous êtes un membre de la famille de Rhéa ? » Et comme pour se rassurer, elle ajouta avec un petit sourire amusé. « Vous avez ce même petit air sauvage. »

L’homme semblait plutôt méfiant mais ne descella pas la moindre trace de mensonge dans sa voix, tant mieux pour elle, ce n’était pas le moment d’avoir des ennuis. Plongeant les mains dans les poches de son manteau, elle le regarda secouer la tête comme agacé avant de reculer d’un pas, reportant son attention sur le garage de Rhéa. Tara suivit son regard pour observer ce bâtiment vide de toute vie, où pouvait-elle donc être ? Encore une fois, elle n’avait pas de réponses à cette question, mais peut-être que l’inconnu pourrait l’aider à trouver quelques indices.

Il faisait donc parti de la famille de la jeune femme, louve de naissance, avait-il donc compris à sa nature de lupin avec l’allusion au côté animal ? Non, apparemment pas. Tant pis, elle aurait essayé. Plongeant de nouveau son regard dans le sien, elle reprit tranquillement la parole, chassant une mèche brune de son visage. « Le cousin ou le frère ? » Elle devait se renseigner au maximum, elle n’avait pas peur de lui balancer de but en blanc qu’elle connaissait sa réelle nature mais elle gardait cela pour plus tard.

En forêt. Il fallait improviser et Tara se concentra sur les battements de son cœur, son rythme cardiaque restait le plus calme possible alors qu’elle cherchait ses mots, quelque chose de concret à lui fournir. Tournant sept fois sa langue dans sa bouche, elle finit par parler, répondant sagement à sa question, le plus naturellement du monde. « Nous parlions de sa difficulté à rester sage quand la lune était haut dans le ciel et du fait qu’elle venait de France. On parlait de nos cultures différentes. »

Un sourire étira ses lèvres alors qu’elle croisait de nouveau les bras. « Elle me parlait d’un cousin parfois » dit-elle dans un parfait français. Tara était bien heureuse d’avoir fait autant de recherche sur l’oméga et d’avoir fait appel à son informateur des dizaines de fois pour tout connaître sur le bout des doigts. Elle ne pouvait pas non plus réciter chaque étape de sa vie mais elle connaissait tout ce qu’il fallait savoir d’important sur elle, et c’était suffisant.

Il n’était pas bavard, de quoi ne pas lui faciliter la tâche mais elle n’abandonnerait pas aussi rapidement. La disparition d’un oméga pourrait paraître anodine mais pas pour un druide qui connaissait les dangers de la ville ces derniers temps. Les chasseurs s’y faisaient nombreux et beaucoup de ces innocentes créatures se retrouvaient aisément piéger dans leurs filets. Au moins, connaître le sort de Rhéa serait un soulagement pour la jeune fille qui avait encore pas mal d’omégas à vérifier avant de rentrer chez elle.

Le sourire de l’homme ne la faisait pas sourciller mais elle eut la gentillesse d’y répondre par un plus léger et discret, le bel ange semblait être dans la même situation qu’elle, il voulait des informations sur la louve. Cousin ou frère, elle ferait sans mais il s’agissait forcément d’un loup. Il fallait qu’elle pense à le rajouter dans la liste qui ne s’allongeait pas beaucoup, les Alphas allaient finir par s’entretuer pour obtenir des Bêtas. Si la ville pouvait éviter un bain de sang, ça serait bien, très bien même. Les humains n’avaient pas à savoir pour ce monde parallèle quelque peu cruel par moment. Elle s’éloignait encore une fois du sujet, ça devenait une mauvaise habitude.

Monsieur fut admiratif de son français qui n’était pas si mal. Déjà qu’elle abîmait la langue anglaise avec son accent bien trop irlandais, elle se demandait s’il ne se moquait pas un peu d’elle, on pouvait clairement entendre qu’elle venait des pays du Nord de l’Europe, là où seuls les habitants se comprenaient. Il se mit de nouveau à sourire alors qu’elle fit quelques pas pour se poster devant la porte, effleurant la surface froide du bout des doigts. Raclement de gorge de sa part et elle tourna son regard chocolat dans sa direction, l’écoutant attentivement. « Je cherche Rhéa car les Omégas dans votre genre sont en danger dans cette ville. » Plus de faux semblant, ils étaient seuls dans la rue, elle ne doutait plus de la véritable nature de l’homme en face d’elle.

« Les Druides sont les amis des loups, dois-je vous le rappeler ? Votre confiance peut être la plus totale. » Elle croisa les bras, rejetant ses cheveux en arrière, son regard se posant sur les horaires plaqués derrière la porte, ça semblait poussiéreux, abandonné à la hâte. « Rhéa a disparu brusquement sans laisser de nouvelles. Je ne peux pas laisser la chose couler comme ça, je dois savoir ce qu’il s’est passé. »

Tara n’aimait pas, mais vraiment pas, qu’on puisse la juger de la sorte parce que l’on était plus âgé ou qu’on pensait tout connaître du monde. Le ton qu’employait l’homme avec elle avait le don de l’agacer profondément et elle n’allait pas se laisser faire de la sorte. Le métier de Druide n’était pas à prendre à la légère, il permettait de desceller chaque créature dangereuse qui rôdait dans les environs de la ville. Et grâce à leurs savoirs, les druides pouvaient les chasser ou même aller jusqu’à les tuer s’ils en étaient obligés. « Foutez-vous de moi allez-y, vous n’arrangerez pas les choses. »

Fini le sourire et le ton amical, elle devait passer aux choses sérieuses. Avec le Dépeceur qui traînait dans le coin, sans montrer l’ombre d’un visage, elle se devait de se méfier de tout le monde. Il était peut-être de la famille de Rhéa mais qui disait qu’il ne l’avait pas tué ? Un oméga disparu de la sorte n’avait plus beaucoup de chance d’être vivante dans ces conditions. Monsieur ne lui faisait pas confiance, soit, elle non plus. Ne lui restait plus qu’à utiliser les grands moyens. Fermant brièvement les yeux, elle fit tout son possible pour se concentrer, son tatouage pulsant contre sa peau. « Qu’est-ce que je pourrais faire hein ? » Elle claqua des doigts et balança l’homme contre le mur à la force de ses pouvoirs. Elle se rapprocha et le fixa sans le moindre remord, sa main sortant un vaporisateur de tue-loup. « Continuez à me manquer de respect de la sorte et je vous préviens que je vous arrache un bras. »

Gardant l’objet en main, elle se recula, sachant qu’elle avait dû l’énerver. Ce n’était pas le moment de se faire blesser, sa tante la tuerait si elle voyait qu’elle s’était attaquée à un loup alors qu’elle n’avait pas de meute. « Je peux facilement retrouver ses agresseurs ou kidnappeurs, mais pour ça, il faut m’aider au lieu de jouer au malin, ce que vous n’êtes pas. »

Tara venait de provoquer le diable mais elle n’en avait que faire, il pouvait porter la main sur elle s’il voulait, elle ne tarderait pas à riposter. C’était une chose qui l’énervait beaucoup. Les loups se pensaient tout puissant face à des êtres aussi faibles que les druides, hélas leur côté animal les rendait bien bête. Les émissaires cachaient très bien leur jeu et pouvaient être aussi dangereux que les chasseurs. C’était donc pourquoi la brune ne se débattit pas quand la main de l’oméga attrapa son vaporisateur avant de venir la plaquer contre le mur, son bras rabattu dans son dos. Elle pouvait sentir son tatouage pulser contre sa peau et une grimace étira ses lèvres. La surface des briques n’était pas très agréable pour sa joue, il fallait qu’elle se dépêche de se libérer avant que ça ne laisse une marque contre sa peau.

Un grognement résonna dans le creux de son oreille tout comme la voix grave et chaude de son agresseur de pacotille. Sa mère, avait-elle le droit de rire ou de pleurer ? Il ne connaissait rien de cette mère qui avait préféré l’abandonner que de lui apprendre à devenir une Druide exemplaire. « Ma mère, tu me fais bien rire toi. Je suis orpheline idiot. » Un nouveau sourire étira ses lèvres quand il vint lui annoncer qu’il faisait cavalier seul, tant mieux pour lui, il n’avait donc pas besoin de se sociabiliser ou même de tenter de paraître gentil avec les autres. « Tu ne la retrouveras pas tout seul. »

Elle put enfin se détacher du mur et vint masser sa joue puis son poignet alors qu’il semblait prêt à s’en aller avec son vaporisateur. Elle ne fit pas attention à sa remarque qu’elle jugeait ridicule. Tara récupéra son chapeau qu’elle posa tranquillement sur le sommet de son crâne, remettant convenablement son sac sur son épaule. Il s’éloignait encore et toujours alors qu’elle ouvrit la bouche.

« Rhéa est morte mon beau. Arrêtes de te bouger les miches pour la retrouver. » Oui Tara n’était sûre de rien mais c’était toujours un bon moyen de le refaire revenir. Le dépeceur avait sûrement frappé depuis longtemps et le cadavre de la louve devait croupir dans un coin, sûrement, elle ne pouvait rien confirmer.