Shut up and Hug me || Elizabeth

Il pleuvait. Sérieusement, un vrai rideau de fer qui nous empêchait de voir à plus de deux mètres. Je pouvais entendre mes collègues râler depuis ce matin à ce sujet. L’un d’eux était venu en vélo et je ne donnais pas cher de sa peau, il allait mourir de froid avant de rentrer chez lui. J’étais plutôt heureux d’avoir mon 4x4 soigneusement garé sur le parking du campus. J’étais venu tôt aujourd’hui, trop préoccupé pour faire attention à mes horaires de cours. J’avais dû trouver quelque chose à faire pendant trois heures. Je fis craquer mon poignet encore douloureux, corriger des copies, quelle torture.

Je crachai un nouveau nuage de fumée qui mourut rapidement sur les coups incessants des gouttes d’eau. Pensant ma langue sur mes lèvres, je fis tomber quelques cendres, haussant les épaules pour remettre le parapluie correctement contre moi. Je pouvais croiser le regard amusé de certains étudiants, regard que je le rendais distraitement. J’avais bien le droit de fumer pour ma pause, foutu Rhéa qui m’avait de nouveau rendu accro. Si je lui remettais la main dessus à celle-là. J’aurais dû la tuer lors de l’une de nos parties de jambes en l’air. Je tirai rageusement la dernière taffe avant d’écraser le mégot sur la marche de béton détrempé. Je me levai, tirant sur ma chemise et ma veste avant de rejoindre la cafétéria. Je balançai le parapluie dans un coin.

Mon regard se posa sur mes collègues déjà assis. Ils devaient sûrement discuter de la rumeur sur le professeur de français qui avait eu la mauvaise idée d’avoir une aventure avec un élève. Je plaignais le concierge, c’était lui qui les avait découverts. J’attrapai un plateau en plastique rouge et y déposai une pomme, une assiette de frites et un verre d’eau. Mon estomac ne criait pas famine ce midi, mon esprit était bien trop occupé pour penser à ce futile détail. Je posai un dernier regard sur le crâne chauve du professeur de sport avant de regagner une place en solitaire.

Sacoche posée sur la table, je m’installai tranquillement, restant bien droit. Portable sur le plateau, mon attention était toute tournée sur cet écran vide de tout nouveau message. Je soupirai légèrement, ne voulant pas penser à cet élan de déception quoi enserrait mon cœur. Elizabeth devait être occupée, elle avait du travail, elle aussi, la patience devait se ranger de mon côté. Je devais avouer que nos petites discussions étaient mes moments calmes et agréables de la journée. Ca permettait d’oublier la stupidité de certains élèves ou les futures chasses à venir. J’avais de plus en plus de mal à tuer pour de l’argent, surtout après tout ce qu’il se passait en ville. L’angoisse de voir la tête de Toby sur l’un de ses contrats, ça me donnait envie de vomir.

J’ouvris la sacoche pour me saisir de l’enveloppe craft soigneusement rangée à l’intérieur. Un soupir m’échappa alors que mon couteau de cantine éventrait le papier marron. Voyons que j’allais devoir tuer cette semaine. Mon regard se posait sur chaque visage avec un léger pincement au cœur. Des adolescents, encore et encore, mais les sommes étaient bien trop alléchantes pour que je puisse les ignorer. Mon attention se porta instinctivement sur le téléphone. J’avais bien besoin de l’un de ses miraculeux messages maintenant.

Merde, c’est vrai, je ne croyais pas aux miracles. Rangeant furieusement les documents dans ma sacoche, je fusillai les frites du regard. J’allais commencer à me forcer à manger quand un plateau se posa brusquement devant moi. Frite entre les doigts comme si je tenais une nouvelle cigarette, je laissai mes yeux chocolat vers l’intrus.

© Fiche de Hollow Bastion sur Bazzart